- Iraklion Menchikov
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Date d'inscription : 28/06/2010
Retour dans l'arène
Dim 18 Aoû 2019 - 16:00
C’est dans son bain, où il macérait depuis plusieurs heures, tétant tour-à-tour un cigare humide et un verre de brandy, qu’Iraklion Dmitrievitch reçu les journaux du jour, apportés par la bonne Feodossia Anissimovna qui avait depuis longtemps cessé de se formaliser du comportement indécent de son maître. Epluchant le fatras d’articles ineptes et larmoyants pleurant le lâche attentat contre la personne du Tsar, lisant en diagonale les rodomontades patriotiques des journaux de droite acclamant la dictature de salut public instaurée par le colonel Stroganov, n’accordant qu’une attention distraite aux pleurnicheries des journaux kadets et travaillistes qui dénonçaient un scandaleux coup de force contre le régime démocratique, Iraklion Dmitrievitch s’arrêta sur la proclamation qui annonçait la tenue d’élections législatives générales pour le 3 septembre.
Laissant tomber son cigare dans l’eau trouble de sa baignoire, Iraklion Dmitrievitch poussa un cri de joie : de nouvelles élections ! Enfin une occasion de faire son retour à la Douma ! Enfin une occasion de laisser sa marque sur la Patrie !
Il faut dire que la trajectoire de Menchikov avait connu bien des déboires, bien des traversées du désert, bien des zig-zags et des lignes de fuite. Etant entré dans la carrière de la vie comme merksiste ultra-radical, il avait lentement et sensiblement évolué vers un nationalisme de gauche opportuniste, dans la veine du fameux K.P. Loughinine. Il avait graduellement pris ses distances avec le Parti Merksiste-Luniniste pour se rapprocher des libéraux, en particulier des factions transvalaques et malorusslaves. En 1918, il s’était d’ailleurs fait élire en Transvalachie.
On aurait pu croire que le Parti Travailliste Russlave l’aurait naturellement enrôlé dans ses rangs, mais des querelles d’ego l’avaient brouillé avec le leadership de ce parti, et, voyant ses perspectives bloquées en Russlavie, il était parti pour le Zollernberg, où il avait passé près d’un an à courtiser sans succès l’héritière d’une grande fortune, ce qui lui aurait permis de s’établir définitivement, de racheter un journal, un immeuble de rapport à Gornograd, une propriété à la campagne ; bref, de devenir un homme important. Las ! L’affaire avait capoté, et Menchikov était rentré en Russlavie en juin 1919, condamné à louer un misérable appartement dans un quartier petit-bourgeois de Murasibirsk, avec une seule domestique qui faisait aussi cuisinière, et à gagner maigrement quelques roubles comme clerc dans une obscure étude de notaire, se préparant à un reste d’existence sinistre et impécunieuse. Lui qui jadis avait rêvé de présider aux destinées de la Sainte Russlavie, il devait maintenant céder cette noble tâche aux accapareurs du Parti Travailliste…
Et voilà que, Khrestos soit loué, à peine était-il revenu que la Russlavie se cabrait comme un cheval fou, un travailliste pris de folie tirait sur le Tsar, un quarteron d’officiers réactionnaires liquidait le gouvernement – agitation ! troubles ! fièvre civique ! mitrailleuses aux carrefours ! grandes espérances !
Iraklion Dmitrievitch sorti de son bain, nu comme un ver, et sans prêter attention aux cris outragés de Feodossia Anissimovna, se précipita vers son bureau, où, s’arrêtant à peine pour allumer une cigarette d’une main tremblante, il griffonna à la hâte un message sur un morceau de papier, destiné à ceux qui, comme lui, avaient été mis au ban du Parti Travailliste. Camarades d'université, alliés transvalaques et petit-russlaves, kadets de gauche, sociaux-septembristes, godinnikistes, mécontents, agités, ambitieux... Le temps était venu de redescendre dans l’arène ! De se présenter aux élections !
Laissant tomber son cigare dans l’eau trouble de sa baignoire, Iraklion Dmitrievitch poussa un cri de joie : de nouvelles élections ! Enfin une occasion de faire son retour à la Douma ! Enfin une occasion de laisser sa marque sur la Patrie !
Il faut dire que la trajectoire de Menchikov avait connu bien des déboires, bien des traversées du désert, bien des zig-zags et des lignes de fuite. Etant entré dans la carrière de la vie comme merksiste ultra-radical, il avait lentement et sensiblement évolué vers un nationalisme de gauche opportuniste, dans la veine du fameux K.P. Loughinine. Il avait graduellement pris ses distances avec le Parti Merksiste-Luniniste pour se rapprocher des libéraux, en particulier des factions transvalaques et malorusslaves. En 1918, il s’était d’ailleurs fait élire en Transvalachie.
On aurait pu croire que le Parti Travailliste Russlave l’aurait naturellement enrôlé dans ses rangs, mais des querelles d’ego l’avaient brouillé avec le leadership de ce parti, et, voyant ses perspectives bloquées en Russlavie, il était parti pour le Zollernberg, où il avait passé près d’un an à courtiser sans succès l’héritière d’une grande fortune, ce qui lui aurait permis de s’établir définitivement, de racheter un journal, un immeuble de rapport à Gornograd, une propriété à la campagne ; bref, de devenir un homme important. Las ! L’affaire avait capoté, et Menchikov était rentré en Russlavie en juin 1919, condamné à louer un misérable appartement dans un quartier petit-bourgeois de Murasibirsk, avec une seule domestique qui faisait aussi cuisinière, et à gagner maigrement quelques roubles comme clerc dans une obscure étude de notaire, se préparant à un reste d’existence sinistre et impécunieuse. Lui qui jadis avait rêvé de présider aux destinées de la Sainte Russlavie, il devait maintenant céder cette noble tâche aux accapareurs du Parti Travailliste…
Et voilà que, Khrestos soit loué, à peine était-il revenu que la Russlavie se cabrait comme un cheval fou, un travailliste pris de folie tirait sur le Tsar, un quarteron d’officiers réactionnaires liquidait le gouvernement – agitation ! troubles ! fièvre civique ! mitrailleuses aux carrefours ! grandes espérances !
Iraklion Dmitrievitch sorti de son bain, nu comme un ver, et sans prêter attention aux cris outragés de Feodossia Anissimovna, se précipita vers son bureau, où, s’arrêtant à peine pour allumer une cigarette d’une main tremblante, il griffonna à la hâte un message sur un morceau de papier, destiné à ceux qui, comme lui, avaient été mis au ban du Parti Travailliste. Camarades d'université, alliés transvalaques et petit-russlaves, kadets de gauche, sociaux-septembristes, godinnikistes, mécontents, agités, ambitieux... Le temps était venu de redescendre dans l’arène ! De se présenter aux élections !
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