3ème législature de 1917 : modernisation militaire

" Monsieur le président, messieurs les ministres et messieurs les députés,

Le peuple russlave a fait son choix. Exténué par la guerre et les conflits internes, il choisit le retour à l’ordre en soutenant le pouvoir légitime et chassant les cliques morcelant le pays autour d’idéologies clivantes.

Il fit également le choix de la démocratie, expérience nouvelle, balbutiante, encore bien imparfaite diront certains, avec tous les changements de comportement et d’habitudes que requiert la modification profonde d’un système admis depuis des siècles.

Le peuple russlave choisit enfin de se libérer des influences étrangères, traçant son destin sans subir ni tolérer les manœuvres de voisins ne voyant dans notre patrie qu’une pièce aisément manipulable.

A travers l’élection de cette Douma, le peuple russlave conforta ces choix pour de bon et en fit un autre, tout aussi capital : reconstruire la nation et lui redonner une voix prépondérante dans le concert des nations. "

Les rangs conservateurs firent entendre leur approbation. Le gouvernement n’avait clairement aucun scrupule à s’arroger la paternité de ces grands chambardements, bien qu’il ne se soit pas toujours trouvé du côté des vainqueurs. Cette effronterie empruntée de populisme expliquait les bons résultats du PIR malgré des fondamentaux plus que bancals.

" Mais ce gouvernement ne le fera pas par la guerre. Ni par une attitude agressive ou menaçante envers nos voisins. Non ! Sous la direction du Président du Conseil, nous relèverons la Russlavie par l’huile de coude de nos ouvriers, les mains calleuses de nos paysans, l’ingéniosité de nos scientifiques et l’esprit entreprenant de nos industriels. "

De nouveaux applaudissement retentirent ; même quelques Kadets se joignirent timidement au lot.

" Et cette aventure ambitieuse débutera par la modernisation de nos forces armées, notamment la construction d’une marine de haute-mer comportant autour de 50 navires capitaux sur un total de 200 navires opérationnels, la généralisation des régiments de cavalerie blindée, et la constitution d’une armée de l’air digne de nom.

C’est ce choix, monsieur le président, messieurs les ministres et messieurs les députés, que le peuple russlave a exprimé et que nous mettrons en œuvre. Une renaissance russlave par l’industrie et le travail au service d’une paix armée dans un monde incertain.

Je vous remercie. "

Fiodor se rassit, acclamé par la majorité. Venait désormais le temps d’aborder la question épineuse du budget de l’état, et en particulier du sort de ' l’Emprunt de la Victoire ' .

Cet après-midi là, alors que le Ministre de la Guerre Vassilsine présentait le programme du gouvernement, la Douma semblait inhabituellement agitée. Le corps législatif, dominé par les phalanges hétéroclites du Parti Impérial, suivait normalement sans trop discuter la ligne du gouvernement. Or, aujourd'hui, une sorte de nervosité semblait parcourir les derniers rangs, tout en haut à droite de l'hémicycle, et les échos de leurs conversations semblaient se propager à travers les travées, gagnant jusqu'aux bancs des ministres. "Pojarski est de retour", entendait on murmurer les députés du PIR, certains avec une mine réjouie, d'autres en se lamentant. Le président frappa sur son pupitre pour restaurer le calme.

Quand le Ministre eut terminé son exposé relatif à la modernisation des forces armées, un député jusque là inconnu, l'ingénieur Fetioukovitch, se leva et apostropha le Ministre:

- Votre Excellence, Fiodor Ivanovitch, votre programme de modernisation, voire même, j'oserais dire, de résurrection de nos forces armées est excellent, et je suis persuadé que l'assemblée à l'unanimité le soutiendra. Cependant, une observation:

En ce qui concerne la Marine, j'aimerais attirer l'attention du Ministère de la Guerre sur le programme expérimental de développement de "torpilleurs submersibles" qui avait été initié par le gouvernement en 1915, et pour lequel des centaines de millions de roubles-papiers avaient été confiés à l'ingénieur Fop de Woep afin qu'il développe, dans le plus grand secret, des armes capables d'attaquer les navires ennemis sous la mer. Je pense que ce projet devrait être poursuivi, afin de combler le retard technologique de notre marine. Car, comme a dit un jour un éminent Russlave, je veux parler du prince Pojarski (huées dans les rangs du PCD et chez les deux-tiers du PIR), "la Russlavie doit commander aux océans" !(Applaudissements d'une dizaine de députés).

Le président de la chambre redonna la parole au ministre Vashilsine. Ce dernier s’était attendu au pire lorsque l’aile droite de son parti avait demandé quelques minutes afin de s’exprimer. Mais les propos prononcés furent mesurés tout en interpellant le gouvernement sur la recherche militaire en cours.

" Monsieur Fetioukovitch, le Conseil s’engage à financer le projet en question jusqu'au bout et compte, en outre, fournir la Marine en plusieurs exemplaires de ces submersibles. Un prototype est à l’essai dans la Mer des Glaces depuis le début d’année.

D’autre part, j’en profite pour vous annoncer que nos ingénieurs se sont entendus sur les nouvelles classes de vaisseaux qui constitueront le fer de lance de notre flotte de haute-mer. Pour des raisons que vous comprendrez aisément, leurs plans seront présentés à huis clos lors de la prochaine réunion de la commission des affaires militaires.

Naturellement, une telle campagne de construction requiert des chantiers navals opérationnels et une industrie suivant la cadence. L’inauguration à venir de plusieurs haut-fourneaux à l’aciérie des Industries Mossine-Nagant, les plus grands du Continent Nord, devrait nous donner les moyens de nos ambitions maritimes. Car, messieurs les députés, c’est en liant politiques industrielles et stratégies martiales que la Russlavie pourra... commander aux océans. "

Fiodor regagna sa place, empressé à l’idée de se tenir devant les gigantesques fourneaux de Novolensk pour le plaisir des photographes officiels.