Re: Gouvernement transitoire

- Les Steitels? Qu'entendez-vous par là Loughinine...

Après une petite hésitation...

- Chacun ici a ses protégés, voyez-vous, cher ami... Vous avez vos intérêts et j'ai les miens propres... La Constitution doit tout de même servir à quelque chose dans ce chaos! Parfois elle doit être contournée pour le bien de tous, mais en général elle doit être appliquée pour le même bien de tous!

- Oui, Leonid Antonovitch, les Steitels, les ghettos !
Si nous imposons ces quartiers majoritairement peuplés d'Hébraïtes, nous arriverons au même résultat, mais sans faire de vagues et sans violer la Constitution.

Et sans chiper le fric de votre ami républicain Abramovitch ! Pas vrai, Godinnik? Nous épargnerons les richissimes industriels de cette religion, puisque ceux-ci ont depuis longtemps quitté ces bas-quartiers !

Godinnik, se sentant de plus en plus outré, lança une réponse qui, si elle ne se voulait pas agressive, se voulait en tout cas tranchante et sans appel:

- Écoutez, Loughinine, que croyez-vous, que je sois un Kadet ne pensant qu'aux intérêts économiques de bourgeois bouffis? Comme vous devriez le faire, au vu de votre étiquette politique, c'est TOUT le peuple que je considère en Russlavie comme étant digne d'être défendu!

- Votre proposition me semble encore plus infâme, sachant que vous devriez tendre à la défense de tous les opprimés! Vivre dans un ghetto est une oppression que vous prevoyez en plus de taxer... Souhaiteriez-vous rentrer à D&J? Vous faites-là tout leur jeu! Mais je suis là...

Stepan, soulagé de voir la discussion dévier sur les steitls plutôt que sur la fortune insolante des capitalistes, battit des mains pour marquer son approbation à Loughinine:

- Da, da ! Les steitls ! Ainsi nous évitons la fuite des brasseurs d'argent et nous frappons tous ces petits commercants et ces usuriers que le peuple déteste de toute façon.

Quant à l'inconstitutionnalité...
Je me suis entretenu avec un de nos juristes... au parti...
Stepan aimait souligner que la majorité des praticiens du droit s'étaient ralliés aux Constitutionnels-démocrates.
Et voilà ce qu'il nous propose comme argumentation contre le reproche d'inconstitutionnalité:

Stepan se mit à lire le papier qu'il tenait devant lui.

" L'instauration d'un impot spécial sur les Hébraites (ou les steitls) n'est pas discriminatoire.
Il y a deux manières de discriminer: traiter de façon différente des situations identiques, ou traiter de même façon des situations différentes.
La situation des Steitls diffère de celle du reste de la population, puisque leur sécurité est régulièrement menacée par des progroms de la populace.
L'impôt spécial sert à financer la protection spéciale des minorités hébraites.
En les taxant spécialement, l'Etat ne fait qu'affirmer son souci de protéger spécialement les minorités.

Stepan leva les yeux vers ses collègues, un sourire de triomphe signifiant "C'est pas bien trouvé ça ?" sur les lèvres.

Le Grand-Duc eut le sourire au lèvre. Décidemment, Stepan était véritablement le fils de son père Iossif. La même vervem la même fougue! Ozy pouvait être accusé a souhait d'être le Bouché de la Révolution, d'être un ploutocrate bourgeois richissime et sans coeur, il n'appréciait pas malgrès tout ces magnifiques qualiticatifs de taxer une classe en particulier, mais puisque c'était soit ses poches, soit celles des autres, il préférait le moindre mal.

Monsieur Godinnik, une constitution locale a-t-elle valeur légale supérieur a celle de l'Empire? Permettez-moi d'en douter sincère mon cher collègue. Nous changerons l'Arrêté Ministériel afin de rendre plus floue encore une réalité qui est pourtant devant nous. Les caisses sont vides et l'Empire a faim. L'austérité économique que j'ai tenté de faire appliqué ne semble pas donner de résultat suffisant pour le moment. Vais-je devoir créer un Arrêté sur l'imposition fiscale intra-frontière? Personellement je préfère que se soit les autres plûtôt que nous qui soyons payeur. Ayons la conscience sur le coeur, mais les poches remplit!

Ozy souriait, le Gouvernement était de toute facon incapable de gouverner de manière juridique et constitutionel. Plus les choses allaient et plus c'était le chacun pour soi. Il s'alluma un gros cigare de Kuba en prit une excellente bouffée et tendit la boîte a ses collègues. Il allait bientot tenter un nouveau coup de force.

Monsieur Godinnik, puisque vous ne sembles par heureux de vouloir faire appliquer l'Arrêté sur les Hébraites, je crois qu'il nous faudra créer une police ministériel attaché au Ministère des Finances afin de faire respecter les demandes en ce sens. dois-je me soustraire a vos prérogative Godinnik? Croyez-vous pouvoir tenir le cap et la tête de l'Empire bien longtemps encore hors du chaos?

Le Grand-Duc riait de bon coeur, chacun voulait sa part du gateau, tel de véritable vautour autour d'une Russlavie orpheline et veuve.

Kassian était inquiet. La Démocratie tant vantée s'envolait. La Russlavie sombrait dans la dictature. Il avait tardé à se rendre à l'évidence: le Gouvernement d'Union Nationale devenait l'auteur d'un coup d'Etat.

Impossible de s'y méprendre. Les preuves étaient là. Le Tsar était réduit à un simple rôle de figuration, la Douma était congédiée, et les membres disparus du Gouvernement n'étaient pas remplacés. La Constitution était violée, on s'en prenait aux minorités. Putsch !

La Russlavie était tombée sous la coupe d'une tétrarchie. Un quatuor détenait l'ensemble du pouvoir exécutif, législatif, judiciaire... Pour en arriver là, il avait fallu une mutinerie dans l'armée et des attentats répétés. On accusait pêle-mêle l'Okhrana et les anarchistes, alors que les vrais criminels se cachaient au sein même du Gouvernement. Les criminels étaient le Gouvernement. Le Gouvernement était criminel...

Kassian avait peur. Qui donc avait assassiné le Ministre Paysan? Sans doute un de ses collègues du Cabinet... Et voilà que Krasstchenko menaçait ouvertement Godinnik, lui promettant le même sort qu'à Niviakov. La tétrarchie pouvait s'étriper d'un moment à l'autre.

- Allons, chers collègues, un peu de calme!
Krasstchenko, gardez votre sang-froid! Quelle est cette histoire de police financière?

Le Grand-Duc voyait les choses d'un autre oeil. L'Instauration d'un Gouvernement fort et puissant au sein d'une Russlavie respecté de tous. Un retour à la monarchie envisageable? Certes en dernier recours, si la menace persistante de dictature était trop réelle, le Tsar pourrait toujours reprendre les choses en main et destituer l'actuel Gouvernement.... si Stepan en avait réellement envis...

Monsieur Loughinine, j'ai le sang très froid, puisque je n'ai pas de coeur dirait mon collègue Godinnik. Personellement, je ne suis pas pour l'anarchie mais pour l'ordre publique. Nous avons eu droit a plusieurs procès et exécution sommaire. Cela était un mal nécessaire pour une purification de tout ce qu'il y avait de putride autour de nous.

Maintenant, les choses ont prit une tournure différent. Nous ne sommes plus que 4 ici a diriger réellement la Russlavie. Un pouvoir extrêment dangeureux puisque chacun a une conception tellement opposite de son voisin de table. Que devons-nous faires messieurs? Faire un PACTE ensemble? Un PACTE de solidarité? ou bien laisser sombrer l'Empire dans le Chaos?

Ozy prit une gorgée d'eau, c'est temps-ci a force de fêter les exécutions son estomac avait peine a se rétablir.

Prenons un engagement ici tout les 4 de ne pas faire virer le Gouvernement en Dictature Bourgeoise ou Prolétaire. Personne n'a rien a y gagner. Subsistons jusqu'aux élections de Septembre!

Godinnik, voyant là un drôle de demi-tour, se permit un commentaire à l'avant dernier orateur:

- Loughinine, il me semble que vous n'êtes pas le dernier à employer des méthodes expéditives et à mépriser les minorités ethniques ou religieuses de l'Empire... Vous avez participé à ce que vous énoncez et dénoncez... Serait-il l'heure du réveil?

Puis à tous les membres du Cabinet:

- Quelque part Loughinine fait un très bon tableau de la situation aujourd'hui... Cependant, il convient de rester nuancé! Tous ici n'oeuvrent pas dans le sens de l'accroisserment de leurs fortunes et biens privés ou encore dans celui de l'oppression... Il me semble m'opposer régulièrement... Et je vais continuer!

Après un regard à Krasstchenko:

- Ah, "Krasstchenko", c'est mon père qui vous baptisa ainsi à la Russlave... Mon père est mort de son opposition, après avoir démissionné... je ne suivrai pas son exemple: je continuerai ma tâche et si je dois en mourir, cela sera tout à mon honneur! Mais passons sur ces rumeurs émises par des gens aux gants blancs et à l'âme coupable de haine gratuite... Et c'est peut-être parcequ'elle l'est, gratuite, que ces messieurs en raffolent!

-Un pacte? vous dîtes? Allons-bon! Qui sera le dindon de la farce?

Ozy prit une bonne bouffée de sa cigarette pendu au bout des lèvres. Dindo de la farce se dit-il? Allons-donc! L'Empire tout entier l'est déjà aahahahaha ... Mais certainement plus encore ce Godinnik,

Voyons Monsieur le Prince, jamais personne ici autour de la table n'aurait de mauvaise intention avoué. Je ne crois pas personne ici capable de faire disparaitre un de ses chers collègues. Parcontre afin d'empêcher un dérapement peut-être que notre bon Premier-Ministre pourrait nous donner un ligne directrice a chacun.

- J'ai moi aussi du mal à comprendre la volte-face de Kassian Pavlovitch, mais peut-être est il motivé par des raisons que nous ne connaissons pas...Peu importe.

Stepan lança un regard froid en direction du menchevik.

- Enfin, messieurs, pourquoi cette ridicule crise d'instrospection ?
Vous êtes des hommes d'action, et c'est pourquoi vous êtes dans ce gouvernement.
Nous avons une mission: maintenir l'ordre publique, la paix sociale et l'intégrité territoriale de l'Empire.
Les questionnement philosophiques sont superflus. Nous ne nous embarassons pas de scrupule pour protéger la démocratie, c'est regrettable, mais c'est un mal nécéssaire.
Je peux vous assurer que les ennemis de la frêle démocratie russlave ne s'embarassent guère de scrupules non plus.

Stepan s'emportait contre ces aveugles qui ne semblaient pas voir la fragilité de la nouvelle Russlavie.

- Vous craignez la dictature de quelques-uns, messieurs ? Eh bien, pourquoi pas, démissionnons et organisons des élections séance tenante !
Mais je peux vous assurer que le Gouvernement qui sortira des urnes devra se salir les mains autant que nous !

Ca, c'était pour Godinnik. Stepan se tourna ensuite vers Krasstchenko:

- Grand-duc, vous semblez confondre votre intérêt et celui de l'Empire. Nous servons la Nation, et non nos intérêts personnels.
Il y a des limites à la particratie !

Las, Stepan se servit un verre de vodka et alluma une cigarette.

- Volte-face, Stepan Iossifovitch? Allons, ne soyez pas sentimental, je n'ai jamais fait partie de la patronnaillerie kadette !

Et puis je n'ai fait que mettre à l'évidence les dérives partisanes de certains membres de ce gouvernement.

Le Ministre de la Guerre et de la Marine dévisage lourdement son collègue des Finances... Tant que les Soviets ne sont pas dissous, il ne peut pas lui régler son compte. Il doit conserver son énergie pour la lutte fratricide qui se prépare au sein du Parti Merksiste Luniniste...

- Da, nous sommes des hommes d'action ! Et da, nous devons protéger la jeune démocratie russlave par tous les moyens ! Mais il est hors de question d'engager le gouvernement dans une dangereuse politique réactionnaire !

Certes, je suis prêt à taxer les Hébraïtes, ces suceurs de sang, ces affameurs du peuple, mais je le fais parce que je veux préserver les Russlaves de leur néfaste influence, parce que je veux mener mon pays vers un avenir radieux.

D'autres ici mêlent les deniers publics aux fonds privés ! D'autres gangrènent l'Etat par leur corruption !

D'autres ici ne sont pas des révolutionnaires ! Ni des démocrates !

Visiblement, le menchevik est déchiré entre deux conceptions politiques. D'un côté, il incarne l'ordre bourgeois révolutionnaire opposé aux spartakistes. De l'autre, il veut combattre la richesse insolente des anciens laquais du Tsar, devenus subitement démocrates.

Voulant combattre les deux à la fois, et les séduire tout autant, Kassian se retrouve complètement paralysé. Paralysé, ou poussé à des actions contradictoires. En effet, il n'a échappé à personne qu'après avoir chaudement félicité les conseils de soldats de Gornograd pour leur combat contre Niviakov, il a donné des ordres pour muter la garnison ailleurs et encaserner des unités rétrogrades dans la Capitale.

Monsieur Mai-Maievski, avec tout le respect que je vous dois, ou plus grâce a votre père plutôt, vous commencez tranquillement a m'user la patience. Je suis un industriel dans l'âme. Mon intérêt personnel et celui de ma famille est le KONSORTIUM et le moyen de faire plus de RR.

Vous êtes venu me chercher... je vous le rappel.
Vous avez voulu que je remette l'Économie sur pied... J'ai essayé
Vous m'avez pratiquement exigé de publié des Arrêtés... jai fait selon votre désir.

Mais écoutez moi bien filston, je sais amplement comment fonctionne un Gouvernement. J'en ai d'ailleur dirigé un avant vous ici. Alors vos reproches ne m'effleure pas le moindrement du monde. Garder vos railleries pour d'autres.

Le Grand-Duc commencait a être également las de toutes ces politicailleries qui ne menaient nul part et qui paralysait ce qui restait de Gouvernement démocratique.

Je crois que ce Gouvernement d'Union ne mènera nul part tant que la Douma n'aura pas été réélu démocratiquement. Je commence a comprendre comment Loughinine peut réagir en voyant tout ce magnifique spectacle. Une jolie masquarade politique.

Est-il sincère?

Toujours est-il que jusqu'a ce que ce gouvernement se donne un véritable ligne directrice, il n'y aura plus rien qui sortira de mon ministère. Je suis las d'attendre des réponses qui ne viennent pas. Vous savez donc ou me trouver. Je retourne a Piter a mon chateau.

Le Grand-Duc parti en coup de vent, laissant les autres autour de la table continuer a discuter. Peut-être dans son dos? Qu'importe il n'en avait que faire.

Quelque part Krasstchenko n'avait pas tort... Pas en ce qui concernait
la Douma: de toute façon il était de tradition de sus pendre la session
durant juillet et Août, mais bien en ce qui concernait un manque de
ligne directrice.

Et dans le cas d'un Gouvernement d'Union Nationale, cela se révélait
encore plus indispensable. Qui devait donner cette ligne? Le Premier
Ministre, pardi! Et comment? En essayant de donner satisfaction en
premier lieu aux citoyens de Russlavie, mais aussi aux différentes
factions membres du Gouvernement.

Le Premier Ministre devait tenir le Gouvernail d'un esquif susceptible de s'échouer à chaque fausse manoeuvre des marins... Désormais, et sans un soubresaut du capitaine, le navire Russlavie naviguait dans des eaux bien tourmentées, peut être dangereuses, sûrement fatales à l'équipage!

Ohé capitaine! Donnez des ordres!

Stepan, face à la fenêtre, entendit le Grand-duc claquer la porte et quitter le conseil.

Mon intérêt personnel et celui de ma famille est le KONSORTIUM et le moyen de faire plus de RR.

Quel scandale !
Le Premier Ministre bouillait intérieurement. Cette crise était manifestement montée de toutes pièces pour le mettre en cause. Ces gens avaient voulu gouverner sans la Douma, et voilà qu'ils se plaignaient de ne pas l'avoir à leurs côtés.

Stepan le compris vite, cette crise n'était qu'un prétexte. Il allait vite se retrouver completement isolé. Ses informateurs de l'Arsenal Rozannov le tenaient informé: Les Républicains prenaient langue avec les rouges, Krasstchenko se rapprochait de Loughinine.
Bientôt, Stepan serait seul au milieu de la tourmente.

La vérité, c'est que l'actuel Chef du gouvernement n'avait aucune ligne de conduite. Il avait pris le pouvoir dans des conditions troubles, pour ce qui devait être un remplacement temporaire de Sebastopol.
Mais celui-ci n'était pas revenu de convalescence et s'était retranché de toute vie publique, sans doute traumatisé par l'attentat.

Le Gouvernement interimaire durait donc, mais il n'avait été formé que pour une mission bien précise: réprimer les ennemis du régime. Il s'en était chargé, et maintenant l'Union Nationale semblait incapable de reprendre un nouveau souffle.
Peut-être était elle périmée ? Peut-être des élections s'imposaient elles ?
Stepan savait ne pas être l'homme idéal d'un gouvernement autoritaire.
Sa molesse décadente, miroir d'une époque qui allait sur sa fin, son goût de l'intrigue, son sens du compromis, tout chez lui inclinait au régime parlementaire.

Stepan se tourna vers la grande table, s'attendant presque à la voir déserte.

- Loughinine, Godinnik, votre avis ? Que voulez vous mettre dans cette Union Nationale ? - qui était d'ailleurs loin d'en être une, songea Stepan.
Comment concilier l'inconciliable ? Un Républicain qui rêve de grandes réformes progressistes, un milliardaire contre-révolutionnaire qui ne pense qu'à son argent...un menchevik sans scrupules entièrement tourné vers le renforcement de son propre pouvoir...

-Voulez vous des élections ?

Godinnik, voyant bien que Maï-Maïevski semblait être assez désappointé, lui répondit:

- Stepan, l'heure est grave. Non pas que la situation soit insurmontable ou que la révolution gronde... Non, le plus grand problème de cette nation, aujourd'hui, est de ne pas avoir de réel exécutif.

Sur ce point le fragile Premier Ministre ne pouvait pas le contredire...

- Des élections, pourquoi pas... Mais sommes-nous seulement sûrs que cela débouchera sur quelque chose? ne prenons pas des vessies pour des lanternes en nous dirigeant vers une solution qui n'aura pas beaucoup de réelles conséquences. Si élections il y a, cela permettra peut-être au moins de clarifier la politique de chaque tendance et les affinités entres idéologies ou organisations.

Puis, après un regard vers ses collègues installés autour de la grande table en acajou:

- Votons, si les élections sont requises, organisons-les au plus vite! Et les absents auront toujours tort, que cela soit dit!