- Feodor Pojarski
- Nombre de messages : 436
Date d'inscription : 06/09/2008
Le Vigilant, 14 X 1911
Sam 15 Oct 2011 - 0:07
LE VIGILANT
Drame ! Catastrophe ! Apocalypse ! Les mots ne sont pas trop forts pour te rendre compte, cher lecteur, de ce qui se passe à Eupatoria, rebaptisée cyniquement Berstov (ce qui ne veut absolument rien dire) par la clique de satrapes fous à lier qui s’y est emparé du pouvoir cet été.
Profitant du départ du protecteur de l’île, le capitaine Grigoriev, pour le front transvalaque, une bande de gangsters d’origine turcose a renversé les institutions légales (c’est-à-dire qu’ils ont descendu le sous-lieutenant Pitt Mitchell, représentant du Tsar sur l’île) et a aussitôt mis en place une tyrannie aussi sanglante qu’ubuesque, la « République Franc-charpentière de Berstov », une appellation qui témoigne clairement des origines de ces despotes sanguinaires !
Ceux-ci ont immédiatement perpétré d’horribles crimes à travers toute l’île, jetant sur les chemins de l’exil des flots entiers de réfugiés, qui pour la plupart se sont noyés dans les eaux glacées qui séparent Eupatoria de nos côtes, ce qui explique qu’on en ait pas encore beaucoup vu, de réfugiés.
L’un des rares malheureux à avoir pu rallier le continent, Boris Borissovitch Biskup, propriétaire d’usine de son état, témoigne :
« C’était horrible », nous dit le pauvre homme, visiblement sous le choc ; « J’ai tout perdu. Ils m’ont tout pris, même ma résidence secondaire. Heureusement qu’il me restait mon yacht, sinon je me serais sans doute noyé comme tous
B.B. Biskup, un type plutôt sympa.
De toute évidence, il semblerait que cette révolte soit le fruit d’un accès de folie collective du peuple eupatorien, savamment orchestré par une coterie de Franc-charpentiers et d’onanistes dont le chef semble être un certain Alexeï Mouloudovitch Antonov. « Ces ouvriers sont des ingrats ! » ajoute Boris Borissovitch Biskup ; « Sans moi, ils seraient encore à crever de faim dans leurs taudis ! Je suis parti de rien ! Mon père était serf, et il possédait que deux chemises : ça sentait pas la rose à la maison, je peux vous le dire ! Salauds de merksistes ! Voleurs ! »
Dans un souci d’impartialité, nous avons retrouvé le précédent
Nous avons trouvé l'Ataman Grigoriev et ses hommes en plein travail d'action sociale sur le terrain.
Question : Ataman Grigoriev, que pensez-vous des allégations fantaisistes qui rendent votre administration responsable du soulèvement d’Eupatoria ?
Réponse : Je ne comprends pas, vraiment. Quand je suis parti, tout se passait pour le mieux. J’étais super populaire. Je peux vous assurer que les femmes se battaient pour coucher avec moi.
Q : Dans ce cas, à quoi imputez vous l’absurde tournure des événements ?
R : Le sous-lieuteant Pitt Mitchell a pu faire quelques maladresses après mon départ, après tout c’était un type d’origine étrangère, peut-être même un hébraïte si vous voulez le fond de ma pensée, mais je ne crois pas que cela soit la cause première : les sujets du Tsar, d’où qu’ils soient, sont bien trop fidèles pour se rebeller.
Q : Une manipulation, alors ?
R : A l’évidence. Cette histoire sent le complot franc-charpentier à plein nez, ou je ne m’y connais pas. Cet Antonov et ses sbires, ils sont pas nets. Leur impiété et leurs crimes les dénoncent : ce sont des espions du Grand Fez, à tous les coups.
Q : Votre cœur ne se serre-t-il pas à la pensée des malheureux qui gémissent sous le joug de ces dangereux Spartakistes ?
R : Bien sûr. Je vous le dis à vous, mais ça reste entre nous : une fois que j’en ai terminé ici, je retourne à Eupatoria avec une centaine de Cosaques, et je peux vous assurer que ça va chier.
Q : Je crois qu’il y en a un qui bouge encore.
R : Ah ? (se retournant) Ah oui, vous avez raison. Bon ben, j’y retourne. A toute.
P. R. Grigoriev *: « Courage, fidèles Eupatoriens, j’arrive ! »
* Notez la frappante ressemblance avec le défunt P. I. Rennenkampf, autre fameux héros russlave. Des cousins, probablement.
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum