Le Vigilant, 30 X 1911

Page deux : dossier spécial « Histoire secrète »: les folles nuits de Godinnik. Avec une enquête de terrain et des témoignages de première main.
Page quatre : sacrifices humains à Pazan : la piste satanico-menchevique est évoquée.
Page cinq : crimes rituels, assassinats d’enfant et merksisme : étude comparative.
Page six : Charles III d’Edoran conclut un traité d’alliance avec le Trône du Soleil Matinal et le Gros Bonnet de la Franc-charpenterie; parmi les clauses secrètes : démembrement de la Russlavie et élimination de la classe paysanne.
Page sept : Gloire à Willem Ier du Noordzeeland, l’Ami du peuple Russlave.
Page neuf : nouvelles régionales : un désagréable incident endeuille Novolensk. Des agents provocateurs stipendiés par le régime de ‘Berstov’ responsables de la mort de quelques dizaines d'ouvriers novolovites.

Supplément inédit: les conceptions du Micromonde en Russlavie (1/3)





En conclusion de ses éminents travaux sur la cosmogonie politique russlave, le professeur M.I. Pankratov était arrivé à la conclusion suivante : les conceptions que les Russlaves ont du Micromonde se partagent en trois grands concepts : la Konspiratsia, le colonialisme panslave, la révolution internationaliste (ou franc-charpentière, selon le point de vue). Dans ces pages, nous nous proposons de gloser tour à tour sur ces trois pensées fondamentales de l’âme slave, afin que notre peuple saisisse un peu mieux les controverses doctrinales qui se meuvent sous la surface des conflits politiques, et que nos lecteurs étrangers apprennent à connaitre un peu mieux cette Russlavie qu’ils ont beau jeu de calomnier.

A tout seigneur tout honneur, nous commencerons par la doctrine qui tient lieu de ligne éditoriale à ce journal, je veux parler de la Konspiratsia.

La Konspiratsia, ou le complexe de la forteresse assiégée

La théorie konspirationniste s’appuie sur une idée simple : tout le Micromonde à l’extérieur des frontières russlaves n’est qu’un gigantesque complot fomenté par des puissances obscures contre les Slaves en général et le peuple russlave en particulier. La Turcosie, le Noordzeeland, Edoran, et en général tout Etat étranger n’est, dans cette conception, qu’un outil forgé par les puissances obscures pour attaquer la Russlavie, de même que le merksisme, la Zorthodoxie, le libéralisme, etc… ne sont que des lapins de Troie inséminés au peuple russlave pour l’affaiblir de l’intérieur. Cette théorie promeut un paradigme simple et global qui permet à ses défenseurs d’expliquer tout événement survenu depuis l’aube du Micromonde selon le schéma konspirationniste, des révolutions et conflits internationaux aux invasions mogolesques en passant par la dernière grève ouvrière de Novolensk ou la fondation d’un club de lecture pour retraités à Pockzin.

Ce jeune homme qui parle tout seul est manifestement possédé par le démon.

Conséquence évidente de cette théorie, il n’existe qu’un seul Etat au Micromonde qui soit réellement indépendant: c’est la Russlavie : les autres ne sont que des satellites de la force obscure qui régit la Konspiratsia perpétuelle. D’où la conception, dans la psyché russlave, de la Sainte Russlavie comme d’une forteresse de Vérité et de Foi au milieu d’un océan de ténèbres dominé par des puissances occultes. Les tenants de la Konspiratsia sont évidemment fanatiquement dévoués à l’Autocratie, exaltée comme un système de gouvernement typiquement russlave (la grandeur bytanzine du despotisme absolu, la gloire céleste de l’Autocrate, etc…), toute autre forme de régime politique étant inévitablement « étrangère au caractère national », et donc inspirées par les puissances occultes qui ont juré la perte de la Sainte Russlavie.

Mais quelles sont-elles, ces puissances occultes ? Ici, les avis diffèrent : si la plupart des tenants de la Konspiratsia attribuent à la mystérieuse Franc-charpenterie le rôle dominant, de furieuses controverses opposent les érudits quant à la nature de cette société dont on ne sait pas grand-chose, sinon rien (forcément, elle est occulte). L’éventuelle implication des Juséites dans le complot micromondial fait également l’objet de discussions académiques acharnées. Politiquement, les théories konspirationnistes trouvent crédit auprès du Parti Paysan et de l’aile réactionnaire du Parti Impérial. Les principaux bastions universitaires de la Konspiratsia sont l’Institut de Panslavologie appliquée, le Monastère de st-Gleb et l’Université Impériale de Kazan, dirigée par le célèbre professeur Iakovlev. Dans le milieu de l’information, c’est le journal « Le Vigilant » (oui, celui que vous tenez entre les mains) qui diffuse les thèses konspirationnistes parmi le lectorat russlave.


Le Grand Fez
La République du Noordzeeland
L’Empereur du Belondor
Celui du Jaton
L’amiral Störtebecker
Les ploutocrates panacondais (Coup de chance, Khrestos vient de les exterminer)
Les Hébraïtes
Les juséites
La Zorthodoxie
L’Ethérisme
D’une manière générale, toute religion autre que la Cathodoxie
Oscar Dominguez
Le merksisme
Le libéralisme
Le novembrisme
Le godinnikisme
Le medjelevisme
Le spartakisme
Le maréchalisme
Le pojarskisme insurrectionnel
Toute théorie politique incompatible avec l’Autocratie
Le Mal
La Corporation Fruitière Internationale de Port-Banane
Les capitalistes, les usines et les ouvriers
L’argent
Les agents immobiliers
La Franc-charpenterie



Bibliographie – pour aller plus loin

B.R. Razine, Figura baffometica ; les 700 noms du démon, Monastère de st-Kouzmitch, 1692.
P.P. Petchorine, Croyances et superstitions en Russlavie profonde, Murasibirsk, 1835.
G.K. Iakovlev, « Crimes rituels et franc-charpenterie », Journal de Panslavologie appliquée, Murasibirsk, 1878.
G.K. Iakovlev, La Konspiratsia micromondiale ou la lutte perpétuelle, de Boris le libérateur à la révolution de 1907, Kazan, 1910.
F.V. Pojarski, Mon plaidoyer pour sortir de prison, Gurban-Guli, 1911.



La semaine prochaine : le Colonialisme panslave, ou le destin manifeste (2/3)