- Stepan Mai-Maievski
- Nombre de messages : 779
Age : 53
Localisation : Gornograd
Date d'inscription : 22/12/2006
Meeting du PCD à Gornograd
Dim 9 Aoû 2009 - 14:35
La machine de guerre du Parti Constitutionnel Démocrate se met en branle. A travers tout le pays, les meetings, conférences, parades et autres "réunions civiques" fleurissent.
Dans toutes les villes du pays, le PCD s'emploie à obtenir le soutien des "faiseurs de voix", ces caciques de province qui exercent une grande influence sur le vote de leurs concitoyens.
Industriels, commerçants, boyards, startsy, abbés, sont traités royalement par le parti et invités, entre deux agapes, à choisir leur camp, celui des vainqueurs.
Mais à côté de ça, il faut impérativement reprendre la rue aux gauchistes et autres agitateurs; le PCD a l'intention de faire jeu égal avec le PMLR dans la démagogie et la manipulation des foules.
A Gornograd, un meeting monstre est organisé place des Novembristes, en face du palais Nepenine. La foule afflue en masse, savamment et subtilement canalisée par la "claque" du parti.
Des affidés du PCD, infiltrés dans la foule, signalent discrètement au service d'ordre les éventuels fauteurs de trouble, généralement des étudiants merksistes venus par provocation. Les braillards boutonneux sont sèchement rembarrés.
Sur la place, l'ambiance est bon enfant. Les Gornogradiens sont venus en famille, pour profiter du pain et des saucisses distribuées par les organisateurs.
Après quelques orateurs mineurs, vient enfin la célebrité du jour.
Le choix de l'orateur principal a été l'objet d'une stratégie réfléchie à la direction de campagne du parti.
Il était hors de question de faire venir un aristocrate comme le prince Souvorov, ou un financier richissime comme l'hébraite Liamchine.
Ces gens là sont orientés vers d'autres publics que la populace d'aujourd'hui.
Quand l'orateur monte les marches et arrive à la tribune, une clameur enthousiaste se fait entendre. Le peuple connait l'homme qui va parler, c'est un des siens !
Le pope Kapone, puisque c'est de lui qu'il s'agit, est en effet une figure connue et populaire dans la province, et le personnage mérite que l'on s'attarde un peu sur son histoire.
Né dans la misère la plus noire, dans une famille à peine libérée du servage, il manifesta dès son plus jeune âge une intelligence remarquable compte tenu de la stupeur hébétée qui caractérisait ses frères et soeurs (du moins ceux qui avaient survécu aux coups de latte du père).
Entré au séminaire à 14 ans, le jeune Piotr Gueorguievitch Kapone s'insinua rapidement dans les bonnes grâces de ses supérieurs.
Ayant pris le prénom d'un obscur starets du VII siècle, Saint-Kosmopolit, il devint rapidement l'âme damnée du Métropolite de Gornograd.
Intéréssé par la chose publique, Kapone aurait pu être un de ces innombrables moinillons réactionnaires, comme Mgrs Kouzmitch et Kirov, mais il était bien plus malin que ça.
En 1905, il prit publiquement la défense des ouvriers révoltés, et, s'auto-proclamant abbé du monastère St-Blagoïar, il y acceuillit les familles des victimes de la répression tsariste.
Renié par sa hiérarchie, il développa au cours des années son personnage, celui d'un homme de Dieu aux côtés du peuple, d'un bon vivant, humble et pieux, d'un homme de paix qui n'hésite pas à dialoguer avec merksistes et athées.
Nombreux sont les prolétaires de Gornograd, même parmi l'électorat rouge, qui ont une sorte de vénération pour Kosmopolit Gueorguievitch.
Il faut dire que l'homme est habile, et s'arrange à merveille pour dissimuler d'autres facettes de sa personnalité: la fortune qu'il acquit de manière douteuse, les femmes qu'il besogne sans trêve ni répit.
Son ralliement au PCD est à coup sûr une surprise, bien que l'homme se défende d'être lié à quelque parti que ce soit.
En cette après-midi d'été, Kapone se retrouve donc aux rostres du PCD. D'un mouvement de main énergique, il demande le silence, et l'obtient assez rapidement.
Sa voix, gouailleuse et puissante, capte l'attention du peuple:
- Eh, comment vous raconter ? Ce n'est pas ceci, ce n'est pas cela, et c'est encore moins ceci et cela ! Pourquoi je suis venu ? Toi, par exemple - dit-il en pointant du doigt un grand dadais au milieu de la foule - tu crois que je suis venu pour vous bonimenter ? Pour te faire cracher au bassinet ?
Que non ! Vois-tu, contrairement à certains messieurs qui s'habillent comme des étudiants en littérature pour exciter la pitié, le Parti Constitutionnel Démocrate y demande pas d'argent !
Ahah, vous les connaissez tous, hein, vous voyez de quoi j'veux parler, n'est-ce pas ? Ces gonziers qui arrivent en disant " On se bat pour le peuple", et ce disant, ils tendent la main (avec le knout dans l'autre), et ils vous prient, s'il vous plait, de bien vouloir donner vos économies, toutes hein, soyez prince ! C'est pour aider le peuple, qu'ils disent !
Eh, vous croyez que le peuple c'est qui ? C'est vous ! Et vous en voyez la couleur de cet argent ? Que non, ces messieurs du PMLR, ils vont faire la bamboche avec votre pécule, voila tout ! Et regardez-les qui se gobergent comme porcelets, en rigolant bien de vous avoir filouté, si je peux m'exprimer ainsi.
Non, moi je dis que le peuple, c'est vous, alors c'est à vous qu'il doit aller l'argent. Et quand même dans le tas de fumier de l'arsenal Rozannov, y en aurait un qui serait pas un voleur, c'est une vie de recevoir de l'argent comme si on était miséreux ?
La vérité, c'est que les rouges, ils veulent pas que vous vous en sortiez ! Ils attendent que vous soyiez tout près de crever, ils font même en sorte que ça arrive, et puis ils te jettent un quignon sur ta misérable paillasse, juste assez pour que tu survives encore quelques jours, histoire de voter pour eux !
Je dis: c'est pas une vie ça ! Je dis: chacun doit pouvoir gagner son pain ! Chacun a droit à un travail pour pouvoir nourrir ses enfants quand ils rentrent de l'école !
Je vais pas y aller par quatre chemins, une vie digne, c'est ce que veut le PCD. Ces gens là, je les soutiens parce qu'ils font pas de baratin: ils parlent peu mais ils font beaucoup, et ils m'ont dit: Kosmopolit Gueorguievitch, il faut donner du travail aux gens, pour qu'ils puissent gagner honnêtement leur vie, et se sortir de la pauvreté.
Le PCD vous donnera du travail, et construira des écoles pour vos enfants. Il y aura aussi des hopitaux pour pas laisser mourir les pauvres gens !
Moi je vous le dis, je suis pas heureux quand je vois les malheurs qui sont sur notre Patrie bien-aimée. Quand je vois la misère, et les défaites, et tous les troubles dans le pays, je pleure de honte et de tristesse. Mais je sais que Dieu jamais il abandonnera son peuple aimé, jamais !
"Aide toi, et le ciel t'aidera", alors mes amis, au travail ! C'est à vous de sauver la Russlavie ! Aidez moi, aidez-nous à sauver ce pays qui est le nôtre, aidez-nous à faire barrage à la canaille qui veut vendre le pays aux Turcoses et aux Hébraites !
Vive la Sainte Russlavie !
Et Kapone s'éclipse, dans un tonnerre d'applaudissements.
La foule s'empresse autour des stands, où l'on distribue des chapelets de saucisses et de la vodka, accompagnés de tracts électoraux où figurent, souriants et fraternels, le pope Kapone et Stepan Mai-Maievski.
Dans toutes les villes du pays, le PCD s'emploie à obtenir le soutien des "faiseurs de voix", ces caciques de province qui exercent une grande influence sur le vote de leurs concitoyens.
Industriels, commerçants, boyards, startsy, abbés, sont traités royalement par le parti et invités, entre deux agapes, à choisir leur camp, celui des vainqueurs.
Mais à côté de ça, il faut impérativement reprendre la rue aux gauchistes et autres agitateurs; le PCD a l'intention de faire jeu égal avec le PMLR dans la démagogie et la manipulation des foules.
A Gornograd, un meeting monstre est organisé place des Novembristes, en face du palais Nepenine. La foule afflue en masse, savamment et subtilement canalisée par la "claque" du parti.
Des affidés du PCD, infiltrés dans la foule, signalent discrètement au service d'ordre les éventuels fauteurs de trouble, généralement des étudiants merksistes venus par provocation. Les braillards boutonneux sont sèchement rembarrés.
Sur la place, l'ambiance est bon enfant. Les Gornogradiens sont venus en famille, pour profiter du pain et des saucisses distribuées par les organisateurs.
Après quelques orateurs mineurs, vient enfin la célebrité du jour.
Le choix de l'orateur principal a été l'objet d'une stratégie réfléchie à la direction de campagne du parti.
Il était hors de question de faire venir un aristocrate comme le prince Souvorov, ou un financier richissime comme l'hébraite Liamchine.
Ces gens là sont orientés vers d'autres publics que la populace d'aujourd'hui.
Quand l'orateur monte les marches et arrive à la tribune, une clameur enthousiaste se fait entendre. Le peuple connait l'homme qui va parler, c'est un des siens !
Le pope Kapone, puisque c'est de lui qu'il s'agit, est en effet une figure connue et populaire dans la province, et le personnage mérite que l'on s'attarde un peu sur son histoire.
Né dans la misère la plus noire, dans une famille à peine libérée du servage, il manifesta dès son plus jeune âge une intelligence remarquable compte tenu de la stupeur hébétée qui caractérisait ses frères et soeurs (du moins ceux qui avaient survécu aux coups de latte du père).
Entré au séminaire à 14 ans, le jeune Piotr Gueorguievitch Kapone s'insinua rapidement dans les bonnes grâces de ses supérieurs.
Ayant pris le prénom d'un obscur starets du VII siècle, Saint-Kosmopolit, il devint rapidement l'âme damnée du Métropolite de Gornograd.
Intéréssé par la chose publique, Kapone aurait pu être un de ces innombrables moinillons réactionnaires, comme Mgrs Kouzmitch et Kirov, mais il était bien plus malin que ça.
En 1905, il prit publiquement la défense des ouvriers révoltés, et, s'auto-proclamant abbé du monastère St-Blagoïar, il y acceuillit les familles des victimes de la répression tsariste.
Renié par sa hiérarchie, il développa au cours des années son personnage, celui d'un homme de Dieu aux côtés du peuple, d'un bon vivant, humble et pieux, d'un homme de paix qui n'hésite pas à dialoguer avec merksistes et athées.
Nombreux sont les prolétaires de Gornograd, même parmi l'électorat rouge, qui ont une sorte de vénération pour Kosmopolit Gueorguievitch.
Il faut dire que l'homme est habile, et s'arrange à merveille pour dissimuler d'autres facettes de sa personnalité: la fortune qu'il acquit de manière douteuse, les femmes qu'il besogne sans trêve ni répit.
Son ralliement au PCD est à coup sûr une surprise, bien que l'homme se défende d'être lié à quelque parti que ce soit.
En cette après-midi d'été, Kapone se retrouve donc aux rostres du PCD. D'un mouvement de main énergique, il demande le silence, et l'obtient assez rapidement.
Sa voix, gouailleuse et puissante, capte l'attention du peuple:
- Eh, comment vous raconter ? Ce n'est pas ceci, ce n'est pas cela, et c'est encore moins ceci et cela ! Pourquoi je suis venu ? Toi, par exemple - dit-il en pointant du doigt un grand dadais au milieu de la foule - tu crois que je suis venu pour vous bonimenter ? Pour te faire cracher au bassinet ?
Que non ! Vois-tu, contrairement à certains messieurs qui s'habillent comme des étudiants en littérature pour exciter la pitié, le Parti Constitutionnel Démocrate y demande pas d'argent !
Ahah, vous les connaissez tous, hein, vous voyez de quoi j'veux parler, n'est-ce pas ? Ces gonziers qui arrivent en disant " On se bat pour le peuple", et ce disant, ils tendent la main (avec le knout dans l'autre), et ils vous prient, s'il vous plait, de bien vouloir donner vos économies, toutes hein, soyez prince ! C'est pour aider le peuple, qu'ils disent !
Eh, vous croyez que le peuple c'est qui ? C'est vous ! Et vous en voyez la couleur de cet argent ? Que non, ces messieurs du PMLR, ils vont faire la bamboche avec votre pécule, voila tout ! Et regardez-les qui se gobergent comme porcelets, en rigolant bien de vous avoir filouté, si je peux m'exprimer ainsi.
Non, moi je dis que le peuple, c'est vous, alors c'est à vous qu'il doit aller l'argent. Et quand même dans le tas de fumier de l'arsenal Rozannov, y en aurait un qui serait pas un voleur, c'est une vie de recevoir de l'argent comme si on était miséreux ?
La vérité, c'est que les rouges, ils veulent pas que vous vous en sortiez ! Ils attendent que vous soyiez tout près de crever, ils font même en sorte que ça arrive, et puis ils te jettent un quignon sur ta misérable paillasse, juste assez pour que tu survives encore quelques jours, histoire de voter pour eux !
Je dis: c'est pas une vie ça ! Je dis: chacun doit pouvoir gagner son pain ! Chacun a droit à un travail pour pouvoir nourrir ses enfants quand ils rentrent de l'école !
Je vais pas y aller par quatre chemins, une vie digne, c'est ce que veut le PCD. Ces gens là, je les soutiens parce qu'ils font pas de baratin: ils parlent peu mais ils font beaucoup, et ils m'ont dit: Kosmopolit Gueorguievitch, il faut donner du travail aux gens, pour qu'ils puissent gagner honnêtement leur vie, et se sortir de la pauvreté.
Le PCD vous donnera du travail, et construira des écoles pour vos enfants. Il y aura aussi des hopitaux pour pas laisser mourir les pauvres gens !
Moi je vous le dis, je suis pas heureux quand je vois les malheurs qui sont sur notre Patrie bien-aimée. Quand je vois la misère, et les défaites, et tous les troubles dans le pays, je pleure de honte et de tristesse. Mais je sais que Dieu jamais il abandonnera son peuple aimé, jamais !
"Aide toi, et le ciel t'aidera", alors mes amis, au travail ! C'est à vous de sauver la Russlavie ! Aidez moi, aidez-nous à sauver ce pays qui est le nôtre, aidez-nous à faire barrage à la canaille qui veut vendre le pays aux Turcoses et aux Hébraites !
Vive la Sainte Russlavie !
Et Kapone s'éclipse, dans un tonnerre d'applaudissements.
La foule s'empresse autour des stands, où l'on distribue des chapelets de saucisses et de la vodka, accompagnés de tracts électoraux où figurent, souriants et fraternels, le pope Kapone et Stepan Mai-Maievski.
- Stepan Mai-Maievski
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Date d'inscription : 22/12/2006
Re: Meeting du PCD à Gornograd
Dim 9 Aoû 2009 - 14:50
Pendant ce temps, à quelques rues de là, Stepan Iossifovitch Mai-Maievski présente les candidats du parti, lors d'une conférence de presse.
Le décor est radicalement différent; les pontes du parti sont confortablement carrés au fond de larges fauteuils, avec à portée de main, des cigarettes, du vin et des patisseries.
Stepan Iossifovitch, de sa voix pleine de morgue et de molesse aristocratique (unique acquis de son séjour au Collège Alexandre I) présente les vedettes du PCD:
"...Et aux côtés du Prince Platon Souvorov, ce sera nul autre que le Maréchal Romanovsky - Stepan fait un signe vers le Maréchal - qui occupera la première place de notre liste à Gornograd.
Je tiens aussi à vous signaler l'arrivée de deux novices en politique dans nos rangs; le premier, c'est le pope Kapone, que vous connaissez tous.
Le second est un jeune homme aux idées brillantes et aux nobles convictions - Stepan désigne maintenant Octavianov -,
qui a fait le choix de s'engager en politique pour défendre la démocratie et la patrie.
Souhaitons lui bonne chance, quoique je sois persuadé que la chance n'y changera pas grand chose: ce jeune homme fera une brillante carrière... s'il suit aveuglément mes traces !
Quelques rires polis s'ensuivent.
Stepan Iossifovitch reprend, d'un ton ferme et sérieux:
- J'aimerais maintenant, messieurs les journalistes, profiter de votre présence pour lancer un défi à nos adversaires:
Je propose à mes adversaires un débat public, afin que les électeurs puissent confronter les projets de nos partis respectifs et faire leur choix en parfaite connaissance de cause.
J'attends donc la réponse de messieurs Medjelev, Vlassov et Godinnik, en éspérant qu'ils ne se dérobent pas aux attentes du peuple russlave, qui est en droit de connaitre la vérité.
Le décor est radicalement différent; les pontes du parti sont confortablement carrés au fond de larges fauteuils, avec à portée de main, des cigarettes, du vin et des patisseries.
Stepan Iossifovitch, de sa voix pleine de morgue et de molesse aristocratique (unique acquis de son séjour au Collège Alexandre I) présente les vedettes du PCD:
"...Et aux côtés du Prince Platon Souvorov, ce sera nul autre que le Maréchal Romanovsky - Stepan fait un signe vers le Maréchal - qui occupera la première place de notre liste à Gornograd.
Je tiens aussi à vous signaler l'arrivée de deux novices en politique dans nos rangs; le premier, c'est le pope Kapone, que vous connaissez tous.
Le second est un jeune homme aux idées brillantes et aux nobles convictions - Stepan désigne maintenant Octavianov -,
qui a fait le choix de s'engager en politique pour défendre la démocratie et la patrie.
Souhaitons lui bonne chance, quoique je sois persuadé que la chance n'y changera pas grand chose: ce jeune homme fera une brillante carrière... s'il suit aveuglément mes traces !
Quelques rires polis s'ensuivent.
Stepan Iossifovitch reprend, d'un ton ferme et sérieux:
- J'aimerais maintenant, messieurs les journalistes, profiter de votre présence pour lancer un défi à nos adversaires:
Je propose à mes adversaires un débat public, afin que les électeurs puissent confronter les projets de nos partis respectifs et faire leur choix en parfaite connaissance de cause.
J'attends donc la réponse de messieurs Medjelev, Vlassov et Godinnik, en éspérant qu'ils ne se dérobent pas aux attentes du peuple russlave, qui est en droit de connaitre la vérité.
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