Dans l’attente du rétablissement de notre Imperator, qui doit exercer la Régence ?
- Le Vigilant
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Date d'inscription : 21/04/2009
LE VIGILANT, 20 août 1919
Mar 20 Aoû 2019 - 22:02
Entretien avec Son Altesse Impériale le Grand-duc Wolodymir Konstantinovitch
Alors que notre pays vit des heures sinistres, et que toute la nation pleure et prie avec inquiétude pour le rétablissement de notre Souverain Autocrate, un homme, subitement, se trouve plus près du trône que jamais. Cet homme, c’est le Grand-duc Wolodymir, fils de feu le Tsar Konstantin (regn. 1911-1912).
Depuis son retour en Russlavie, le Grand-duc est devenu une figure connue de la vie mondaine, et son palais de la rue Severskaïa est connu comme le lieu des fêtes les plus gracieuses et des garden-parties les plus élégantes. Modeste et cultivant les vertus privées, il n’en reste pas moins l’héritier présomptif du trône….
Alors que notre pays vit des heures sinistres, et que toute la nation pleure et prie avec inquiétude pour le rétablissement de notre Souverain Autocrate, un homme, subitement, se trouve plus près du trône que jamais. Cet homme, c’est le Grand-duc Wolodymir, fils de feu le Tsar Konstantin (regn. 1911-1912).
Depuis son retour en Russlavie, le Grand-duc est devenu une figure connue de la vie mondaine, et son palais de la rue Severskaïa est connu comme le lieu des fêtes les plus gracieuses et des garden-parties les plus élégantes. Modeste et cultivant les vertus privées, il n’en reste pas moins l’héritier présomptif du trône….
Nous présentant vers midi au domicile du Grand-duc, nous sommes accueillis par un célèbre sportif zollernois, au visage bronzé et aux cheveux délavés, vêtu d’un maillot de bain. « Volodia n’est pas encore réveillé, nous dit-il. C’est que nous avons hum, euh, prié jusque tard dans la nuit. Mettez vous à l’aise, je vais le prévenir ».
Nous nous frayons un passage jusque dans un vaste salon, orné de tapisseries, de tentures et de draperies orientales. La pièce est jonchée de jeunes gens et de jeunes femmes en train de dormir du sommeil du juste, au milieu d’un carnage absolument indescriptible de bouteilles, de verres brisés, de longues pipes turcoses achevant de fumer sur les tapis kaukaziens. Parmi les corps débraillés et les chairs dévoilés, on croit reconnaitre la nièce de l’Impératrice, un amiral russlave bien connu, et un homme d’église avarois absolument nu à l’exception de son bonnet de cardinal. Repoussant délicatement un petit nègre endormi aux cheveux bouclés et luisants, le célèbre sportif zollernois nous fait de la place sur un large divan de couleur pourpre à la propreté douteuse. L’œil ne peut manquer d’être attiré par une énorme fresque s’étendant sur toute la longueur du mur qui nous fait face, représentant, dans le style naïf de l’école héraldique de Riazan, un loup noir à la langue écarlate, symbole personnel du Tsar Konstantin, repris en propre par son fils.
Quelques instants plus tard, le Grand-duc fait son entrée, chaussé de babouches mordorées (« un cadeau du Prince Pojarski ») et vêtu d’une robe de chambre soyeuse aux motifs kaukaziens. Le Grand-duc nous fixe de ses beaux yeux d’insomniaque cerclés de noir, tandis que le célèbre sportif zollernois lui apporte un « élixir revigorant » que le Grand-duc boit d’une traite après y avoir écrasé une demi-douzaine de cachets vitaminés. L’entretien commence.
Votre Altesse Impériale, tout d’abord, merci d’avoir accordé au Vigilant l’honneur de cette interview.
(étouffant un baillement) Pas de quoi, pas de quoi. Je mène une vie retirée et modeste, mais je veux rester en contact avec mon peuple. Que mes chers Russlaves sachent que Wolodymir Konstantinovitch pense à eux à toute heure du jour et de la nuit.
Justement, Votre Sublime Naissance, pourquoi cette discrétion, alors que notre pays vit des heures critiques ?
(W.K. ouvre un étui en argent, d’où il sort une cigarette que le célèbre sportif zollernois s’empresse d’allumer. W.K. maitrise difficilement son agacement) Parce que je n’en sais pas plus que vous ! Je suis un simple particulier, je vous l’ai dit ! Qu’est-il arrivé à Micha ? Est-il en vie ? Je n’en sais rien ! Et où est la femme de Micha ? Morte ? On ne sait pas !
Que faut-il penser de cet abominable attentat ?
Un attentat abominable, c’est le mot ! Celui qui frappe le Souverain frappe la Russlavie entière ! J’espère que les vrais coupables seront démasqués, et punis comme il se doit.
« Les vrais coupables » ? Vous pensez donc que l’auteur de l’attentat, un député travailliste (nldr. merksiste), avait des complices ?
(s’animant subitement, W.K. renverse la bouteille de zchnapz dont il venait de se saisir) Vous dormez ou quoi ? Il est évident que le terroriste n’a pas agi seul. Des forces très puissantes sont à l’œuvre pour déstabiliser la Russlavie ! Et qu’est ce que c’est que cette « junte » qui en profite pour prendre le pouvoir, hop, comme ça, papa dans la bonne, en pleine crise ? En agitant des oukazes soit-disant signés par Micha ? Qu’est-ce qui se cache derrière tout ça ? A vous d’enquêter !
Nombreux sont ceux en Russlavie, parmi les éléments les plus sains de l’armée et de la noblesse, qui regrettent que vous n’ayez pas succédé à votre père en 1912. Dans l’obscurité remparrée des casernes, au plus noir de la nuit, des officiers boivent des toasts à la mémoire de Konstantin : sabres dressés, serments sur l’honneur, ce genre de choses. Un quarteron de poètes symbolistes vient de créer une revue intitulée « Le loup noir », dont les poèmes sont interprétés par les cognoscenti comme des références cryptiques à votre personne. Quelques jours avant l’attentat, un ancien généralissime bien connu, à présent colonel d’un régiment cosaque, aurait déclaré en privé que le Tsar Mikhaïl, béni soit Son nom, serait davantage à sa place dans un monastère…
C’est vrai que mon cher Micha est peut-être plus fait pour la contemplation religieuse et la fraternité monastique que pour le cruel fardeau du pouvoir… Pauvre Micha ! Lui le plus inoffensif des hommes, frappé d’une balle !
Que dites-vous des rumeurs selon lesquelles la Tsarine était enceinte au moment de l’attentat ? Cela changerait radicalement la donne pour vous…
Vous savez aussi bien que moi que c’était un mariage de pure convenance, imposé à Micha par la clique de parvenus edoranophiles qui lui dictait ses faits et gestes. Mon cher Micha n’a jamais été très attiré par les femmes, vous savez… et pour tout vous dire je doute qu’il ait été physiquement capable de remplir les devoirs conjugaux. Si un enfant devait naitre de ce mariage, ce serait de toute évidence par les oeuvres d’un robuste palefrenier ou d’un valet à la solde de l’ambassadeur d’Edoran.
Vraiment ?
Naturellement. L’influence d’Edoran sur la Cour et le gouvernement est toute-puissante. Je sais ce qui se trame à Allancia. Le général de Hauteville a placé son neveu dans l’entourage de la Tsarine : sans nul doute rêve-t-il de remplacer clandestinement l’auguste race des Samsonov par son sang épais et grossier. Ainsi la Russlavie sera définitivement devenue une annexe du Saint-Empire.
C’est terrible ! Que peut-t-on faire pour empêcher cela ?
C’est aux patriotes russlaves de demander des comptes au gouvernement. Que l’on somme cette junte militaire de nous donner des nouvelles sur l’état de santé de Micha ! Que l’on prenne des dispositions pour assurer la continuité de la monarchie !
Vous vous tenez à disposition de la patrie ?
Bien sûr. Si j’avais été présent à la Cour et au Conseil impérial, j’aurais pu protéger mon doux Micha… Peut-être aussi aurais-je pu lui enseigner les méthodes propres à garantir la copulation, m’assurer de la vertu de sa jeune épouse, l’aider à engendrer un héritier… Khrestos sait que je ne veux rien pour moi ! Tout pour la Russlavie !
Alors que le Grand-duc parle avec passion en agitant sa cigarette, la nièce de l’Impératrice (mais peut-être est-ce seulement une courtisane hébraïte qui lui ressemble) s’éveille et se traine en rampant jusqu’à un guéridon, sur lequel elle déverse le contenu poudreux d’une petite boîte, qu’elle entreprend de renifler à l’aide d’une paille. Le Grand-duc lui jette un regard affectueux, puis allume une seconde cigarette.
Merci, Votre Altesse. Nous ne manquerons pas de rendre compte de vos paroles au peuple russlave.
Faites, faites ! Et dites à ce Stroganov de me donner des nouvelles de Micha ! Je l’exige !
Nous nous frayons un passage jusque dans un vaste salon, orné de tapisseries, de tentures et de draperies orientales. La pièce est jonchée de jeunes gens et de jeunes femmes en train de dormir du sommeil du juste, au milieu d’un carnage absolument indescriptible de bouteilles, de verres brisés, de longues pipes turcoses achevant de fumer sur les tapis kaukaziens. Parmi les corps débraillés et les chairs dévoilés, on croit reconnaitre la nièce de l’Impératrice, un amiral russlave bien connu, et un homme d’église avarois absolument nu à l’exception de son bonnet de cardinal. Repoussant délicatement un petit nègre endormi aux cheveux bouclés et luisants, le célèbre sportif zollernois nous fait de la place sur un large divan de couleur pourpre à la propreté douteuse. L’œil ne peut manquer d’être attiré par une énorme fresque s’étendant sur toute la longueur du mur qui nous fait face, représentant, dans le style naïf de l’école héraldique de Riazan, un loup noir à la langue écarlate, symbole personnel du Tsar Konstantin, repris en propre par son fils.
Quelques instants plus tard, le Grand-duc fait son entrée, chaussé de babouches mordorées (« un cadeau du Prince Pojarski ») et vêtu d’une robe de chambre soyeuse aux motifs kaukaziens. Le Grand-duc nous fixe de ses beaux yeux d’insomniaque cerclés de noir, tandis que le célèbre sportif zollernois lui apporte un « élixir revigorant » que le Grand-duc boit d’une traite après y avoir écrasé une demi-douzaine de cachets vitaminés. L’entretien commence.
Votre Altesse Impériale, tout d’abord, merci d’avoir accordé au Vigilant l’honneur de cette interview.
(étouffant un baillement) Pas de quoi, pas de quoi. Je mène une vie retirée et modeste, mais je veux rester en contact avec mon peuple. Que mes chers Russlaves sachent que Wolodymir Konstantinovitch pense à eux à toute heure du jour et de la nuit.
Justement, Votre Sublime Naissance, pourquoi cette discrétion, alors que notre pays vit des heures critiques ?
(W.K. ouvre un étui en argent, d’où il sort une cigarette que le célèbre sportif zollernois s’empresse d’allumer. W.K. maitrise difficilement son agacement) Parce que je n’en sais pas plus que vous ! Je suis un simple particulier, je vous l’ai dit ! Qu’est-il arrivé à Micha ? Est-il en vie ? Je n’en sais rien ! Et où est la femme de Micha ? Morte ? On ne sait pas !
Que faut-il penser de cet abominable attentat ?
Un attentat abominable, c’est le mot ! Celui qui frappe le Souverain frappe la Russlavie entière ! J’espère que les vrais coupables seront démasqués, et punis comme il se doit.
« Les vrais coupables » ? Vous pensez donc que l’auteur de l’attentat, un député travailliste (nldr. merksiste), avait des complices ?
(s’animant subitement, W.K. renverse la bouteille de zchnapz dont il venait de se saisir) Vous dormez ou quoi ? Il est évident que le terroriste n’a pas agi seul. Des forces très puissantes sont à l’œuvre pour déstabiliser la Russlavie ! Et qu’est ce que c’est que cette « junte » qui en profite pour prendre le pouvoir, hop, comme ça, papa dans la bonne, en pleine crise ? En agitant des oukazes soit-disant signés par Micha ? Qu’est-ce qui se cache derrière tout ça ? A vous d’enquêter !
Nombreux sont ceux en Russlavie, parmi les éléments les plus sains de l’armée et de la noblesse, qui regrettent que vous n’ayez pas succédé à votre père en 1912. Dans l’obscurité remparrée des casernes, au plus noir de la nuit, des officiers boivent des toasts à la mémoire de Konstantin : sabres dressés, serments sur l’honneur, ce genre de choses. Un quarteron de poètes symbolistes vient de créer une revue intitulée « Le loup noir », dont les poèmes sont interprétés par les cognoscenti comme des références cryptiques à votre personne. Quelques jours avant l’attentat, un ancien généralissime bien connu, à présent colonel d’un régiment cosaque, aurait déclaré en privé que le Tsar Mikhaïl, béni soit Son nom, serait davantage à sa place dans un monastère…
C’est vrai que mon cher Micha est peut-être plus fait pour la contemplation religieuse et la fraternité monastique que pour le cruel fardeau du pouvoir… Pauvre Micha ! Lui le plus inoffensif des hommes, frappé d’une balle !
Que dites-vous des rumeurs selon lesquelles la Tsarine était enceinte au moment de l’attentat ? Cela changerait radicalement la donne pour vous…
Vous savez aussi bien que moi que c’était un mariage de pure convenance, imposé à Micha par la clique de parvenus edoranophiles qui lui dictait ses faits et gestes. Mon cher Micha n’a jamais été très attiré par les femmes, vous savez… et pour tout vous dire je doute qu’il ait été physiquement capable de remplir les devoirs conjugaux. Si un enfant devait naitre de ce mariage, ce serait de toute évidence par les oeuvres d’un robuste palefrenier ou d’un valet à la solde de l’ambassadeur d’Edoran.
Vraiment ?
Naturellement. L’influence d’Edoran sur la Cour et le gouvernement est toute-puissante. Je sais ce qui se trame à Allancia. Le général de Hauteville a placé son neveu dans l’entourage de la Tsarine : sans nul doute rêve-t-il de remplacer clandestinement l’auguste race des Samsonov par son sang épais et grossier. Ainsi la Russlavie sera définitivement devenue une annexe du Saint-Empire.
C’est terrible ! Que peut-t-on faire pour empêcher cela ?
C’est aux patriotes russlaves de demander des comptes au gouvernement. Que l’on somme cette junte militaire de nous donner des nouvelles sur l’état de santé de Micha ! Que l’on prenne des dispositions pour assurer la continuité de la monarchie !
Vous vous tenez à disposition de la patrie ?
Bien sûr. Si j’avais été présent à la Cour et au Conseil impérial, j’aurais pu protéger mon doux Micha… Peut-être aussi aurais-je pu lui enseigner les méthodes propres à garantir la copulation, m’assurer de la vertu de sa jeune épouse, l’aider à engendrer un héritier… Khrestos sait que je ne veux rien pour moi ! Tout pour la Russlavie !
Alors que le Grand-duc parle avec passion en agitant sa cigarette, la nièce de l’Impératrice (mais peut-être est-ce seulement une courtisane hébraïte qui lui ressemble) s’éveille et se traine en rampant jusqu’à un guéridon, sur lequel elle déverse le contenu poudreux d’une petite boîte, qu’elle entreprend de renifler à l’aide d’une paille. Le Grand-duc lui jette un regard affectueux, puis allume une seconde cigarette.
Merci, Votre Altesse. Nous ne manquerons pas de rendre compte de vos paroles au peuple russlave.
Faites, faites ! Et dites à ce Stroganov de me donner des nouvelles de Micha ! Je l’exige !
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